Réflexions spirituelles (4) : La Grâce

Publié le par Julien Métais

1) La grâce est la manière d’être essentielle de Dieu qui en se donnant possibilise le monde.

2) Le travail de la grâce est plein de tourments intérieurs, d’angoisses et de repentirs, de sourdes convulsions, jusqu'à ce que surmontant peu à peu ce chaos inestimable un calme complet se fasse au fond de l’âme. Alors les forces de l’être s’unifient dans la détermination d’un point de clarté absolu, qui n’est pas possession mais soumission fervente à ce qu’il y a en l’homme de plus grand et de plus beau que tout ce qu’il peut concevoir.

3) La grâce vient desceller le fond de l’âme pour y divulguer le secret qui accomplit notre humanité.

4) La grâce n’est pas signe mais dépassement du signe dans l’éclatement de toute figure.

5) Là où règne la grâce la rectitude de l’esprit ne connaît point de faille.

6) La grandeur de la grâce est d’ennoblir le chaos de la vie intérieure. Avec elle tout s’éclaire subitement et s’anime d’une vie nouvelle, tout rentre dans le sein de Dieu avec délice.

7) La grâce arrache l’homme à la torpeur de la vie animale, elle l’oblige à relever la tête et à contempler la métamorphose dont chaque instant constitue le point de départ merveilleux.

8) La grâce fond sur l’homme à la vitesse de l’éclair, non pour le détruire ou l’anéantir mais afin de restaurer les forces de vie qui errent parmi les ténèbres du psychisme sans réussir à se conjoindre de façon à former, dans un acte décisif, la grande constellation du cœur.

9) La grâce, en un instant plein de douceur, saisit l’être du dedans et opère un phénomène d’extraversion qui le plonge dans la lumière infiniment dilatée du possible.

10) Satan ne peut rien contre la grâce dont le pouvoir dissolvant révèle aux yeux du monde son effroyable nudité.

11) Sans la grâce, le possible ne serait qu’un mot parmi d’autres dans le grand conservatoire du sens où croupissent les destinées de nos pères.

12) Il faut se laisser soulever de terre par la grâce pour triompher un instant de l’esprit de pesanteur qui dirige le monde.

13) La grâce prépare à survivre joyeusement à l’agonie de la pensée.

14) Cette noirceur effroyable qui tapisse le fond de l’être, et imprime à ses actes et à ses paroles un poids de mort désespérant, est l’incarnation de l’esprit de pesanteur qui a pris possession de lui et le livre à une agonie d’autant plus douloureuse qu’il la pense nécessaire à sa victoire sur son néant.

15) En transgressant les lois de la gravitation universelle, en déplaçant le poids du monde hors du visible, en révélant à l’homme des abîmes de félicité jusqu'alors inconnus, la grâce ouvre dans le possible la grandeur du monde qui vient. 

16) La grâce exerce une œuvre de salubrité publique : elle rend à l’âme sa transparence et son éclat que l’homme avait perdus en entrant dans l’histoire.

17) Le mouvement de la grâce n’est pas distinct de celui ayant présidé à la création, il enveloppe l’homme d’une lumière douce et profuse qui contient en puissance l’histoire humaine ressaisie dans la pureté d’un acte libre de toute destination. Cet acte pur exprime la force diffuse de l’amour qui, en se déversant dans le visible, réconcilie l’homme avec son Père.

18) Ce qu’il y a d’étonnant dans la grâce est qu’elle ne cesse de faire monde hors du royaume du signe. Elle étend au-dessus de l’articulé sa force de rayonnement infinie.

19) La grâce n’a que faire du mérite, elle intervient spécialement pour porter secours à la détresse silencieuse de nos vies abîmées dans un chaos frénétique, elle vient interrompre un processus de mort insoupçonné en délivrant l’âme encore ahurie des limbes du langage qui la retenaient captive.

20) La grandeur de la grâce est d’aider l’homme à accoucher de son éternité.

21) Avec la grâce le monde se vide de sa substance pour devenir pur trait de lumière enfoncé dans le sein de Dieu.

22) La grâce fait connaître à l’homme que le néant positif qui l’habite est la seule réponse aimable à la grandeur de son dénuement.

23) La grâce débusque au fond du cœur le coin de lumière décisif qui sauve le monde de ses noires songeries.

24) Le pouvoir surnaturel de la grâce est de délivrer l’homme de la douleur de l’incarnation en le portant à aimer l’absence de toute finalité. Car, dans cette absence, se découvre la possibilité de vivre au-delà de toute signification. Là où le sens ne porte plus, là commence la vie glorieuse car renouvelée de notre humanité.

25) Le mouvement ascensionnel de la grâce ne doit pas occulter la poignée de terre qu’elle jette au fond de l’âme, la chargeant d’un fardeau supplémentaire que, une fois revenue à elle, il lui faudra porter jusqu'à la fin du jour avec un sentiment mêlé de joie et de peine. Joie d’avoir été ainsi si soudainement visitée, peine de devoir endosser encore le poids du monde, toujours plus lourd et plus écrasant.

26) La grâce consiste en un processus expansif qui saisit l’âme et la tourne et l’élève vers son point d’expression le plus haut afin d'en faire un centre de possibilisation infinie. Mais, sitôt relâchée son étreinte, qu’il est difficile à l’âme encore bouleversée par la vision de la beauté de retrouver le royaume des illusions.

27) Même à travers le rire hideux de Satan la grâce chemine toute nue jusqu'au royaume de l’invisible.

28) Au fond de l’être un trou béant. Au fond de ce trou une lumière à peine perceptible qui éclaire peu à peu tout le cercle du visible. Au foyer de cette lumière la veine bleue du possible qui se ramifie et déroule en chaque être sa trame éblouie.

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