Les Classiques

Publié le par Julien Métais

Pour information : dans son ouvrage Pourquoi lire les classiques ?, Italo CALVINO donne des classiques la définition suivante : « Les classiques sont des livres dont on entend toujours dire : Je suis en train de le relire… et jamais : Je suis en train de le lire ». Reprenant à mon tour cette question, je me propose de compléter la liste des définitions que ce terme est susceptible de recevoir. Je tiens néanmoins à préciser que toutes les définitions ici rassemblées trouvent leur résumé dans la formule suivante : un classique est un livre qui enjoint son lecteur de veiller à son côté au renouvellement du monde. Mémoire du monde les classiques sont aussi et surtout puissance de reconfiguration permanente des confins.

J’appelle classique un livre qui n’en finit pas d’épuiser le monde par le jaillissement ininterrompu de ses questions.

Un classique est un livre inassimilable. Plus on s’en nourrit plus il s’oppose à nous dans sa force tranquille et souveraine. C’est le caractère organique de sa forme qui résiste à toute assimilation.

Un classique est un livre qui nous enjoint de le faire parler pour nous faire avouer notre impuissance à en pénétrer le secret.

Les classiques nous apprennent à jouir de l’aridité du monde sans fausse pudeur.

Un classique est un livre qui ne tolère aucune compromission. Il s’impose, brut et minéral, et la tâche infinie du lecteur est d’œuvrer à son douloureux enfantement.

Un classique est un livre qui refuse de livrer son secret aussi longtemps qu’on ambitionne de le lui faire avouer.

Muet comme une tombe devant le lecteur trop pressé le classique est un livre qui ne s’adresse qu’à ceux qui ont cessé de pactiser avec la peur de mourir.

Un classique est un trésor que chaque nouvelle génération transmet à la génération suivante sans parvenir à en épuiser la richesse. Dans cette transmission réside le trésor tant convoité.

Un classique est un livre qui propose au lecteur attentif la formule de construction du monde qui vient.

Tout classique est un générateur d’univers hanté par la possibilité de son expression.

Un classique est un livre qui interroge le monde sur son aptitude à se perpétuer hors du champ d’influence de l’existence humaine.

Les classiques sont des talismans qu’il faut coudre à sa peau pour les moments de détresse où l’homme s’enfonce sans secours dans le marécage de l’oubli.

Les classiques sont les derniers refuges où l’homme, soumis à la lente érosion des valeurs, vient puiser la force et le courage d’affronter lucidement l’agonie de son époque.

Classique est ce type d’ouvrage qui creuse dans l’homme un puits insondable.

Un classique est un livre qu’on ne relit pas sans craindre d’être par lui démasqué.

Classique est un morceau d’univers livré nu à la pâture humaine.

Les classiques sont des livres qui enjambent les siècles avec une facilité déconcertante.

Un classique est un organisme qui possède cette propriété merveilleuse de survivre à la ruine des illusions.

Les classiques sont des livres qui possèdent assez de ressources pour nourrir et fortifier l’imagination humaine jusqu’à la consommation des siècles.

Classique est le livre qui nous enjoint d’habiter l’invisible beauté du monde.

Un classique est un poste d’observation sur la grandeur du monde qui vient.

Il faut lire les classiques le cœur plein d’affectueuse reconnaissance envers la beauté qui est descendue sur terre pour enseigner aux hommes l’amour de l’invisible.

Un classique est un livre qui machine l’invisible.

Il faut aborder un classique avec la conviction savoureuse qu’après sa lecture plus rien ne sera comme avant.

Un classique est un livre qui a cette propriété singulière de choisir pour l’éternité son type de lecteurs. Il ne consent pas à se livrer aux esprits impatients, moulés dans la cire du préjugé, pas davantage accepte-t-il la légèreté avec laquelle on en prend connaissance pour mieux se dispenser d’en pénétrer les couches profondes. Rien ne lui est plus insupportable que ces esprits frivoles qui, sous prétexte de manque de temps, laissent tomber des mains le livre qui les contemple, et se précipitent au jeu ou dans quelque lieu festif par impuissance consentie à rassembler leurs forces dispersées pour soutenir l’attention exigée d’eux. Un classique ne se livre qu’à ceux qui sauront profiter de ses bienfaits au-delà de ses répercussions immédiates dans le champ morcelé de la conscience.

Classique est le livre qui achève d’avance en soi la forme de tous les mondes possibles.

On lit des classiques pour se sentir moins seul devant la solitude des autres.

Un classique est un livre qui apprend à se réjouir de la grandeur du monde qui vient par la raison qu’il en donne à sentir et à aimer la puissance de pacification infinie.

Il faut toujours avoir un classique sous la main pour ne pas mourir de tristesse devant l’image désolée de la vie qui s’en va.

Les classiques sont des armes de projection qui délivrent un instant l’homme de la pesanteur terrestre.

Il faut lire les classiques pour sentir de façon aigüe tout ce que l’homme doit à la lumière qui monte de l’invisible.

Les classiques sont des livres qui à chaque nouvelle lecture bonifient leur lecteur.

Ce qui distingue un classique d’un autre livre, c’est qu’une vie entière ne suffit pas pour assimiler le premier tandis qu’il suffit de refermer le second pour qu’il retombe au néant.

Dans chaque classique chemine un germe de vie incorruptible qu’il appartient à chaque lecteur de faire grandir jusqu’à son point d’épanouissement suprême.

Les classiques sont les miroirs gigantesques de notre arborescence dans l’invisible.

Les classiques sont les infinis receleurs du possible.

Les classiques enseignent à vivre dans la beauté d’un monde ravagé de signes.

Sans la lecture des classiques qui réchauffent le cœur de l’homme et lui donnent à jouir de la grandeur de son énigme la vie serait semblable à une pierre s’abîmant dans le noir néant.

Un classique est un livre qui n’a rien à prouver car il porte en lui comme l’expression de son inépuisable vitalité l’histoire accomplie de nos métamorphoses.

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