Aphorismes (2)

Publié le par Julien Métais

A Nicolas Gomez Davila

La valeur d’un problème réside dans le refus qu’il oppose à toute résolution.

Au livre que nous lisons, nous demandons de nous conduire par-delà les étoiles.

Avec le développement des réseaux sociaux, il devient bien difficile de se tenir debout sans trébucher tôt ou tard sur l’image disgracieuse qui nous pend au nez.

Rien ne dure que le dur désir de durer.

La plus grande ambition que puisse avoir l’homme qui se connait est de borner son savoir à la docte ignorance.

A présent que la pyramide de l’autorité s’est effondrée sur elle-même, toute inquiétude devient superflue : nous sommes tous au fond du fossé.

A toute biographie manque l’essentiel : la naissance de l’advenu.

Les hommes n’ont rien trouvé de mieux que la croyance au progrès pour se consoler de l’absurdité de leur condition.

L’histoire montre abondamment que le progrès est une notion toute relative à laquelle on est d’autant plus attaché que l’on veut se persuader de son empreinte durable sur son néant.

Je n’ai pas le temps d’avoir des projets, j’ai trop à vivre et à aimer pour m’embarrasser de ces grossières fictions mal ficelées.

On ne s’émerveille plus de rien depuis que le monde extérieur est devenu une pâle copie des écrans qui court-circuitent la beauté.

Notre époque, pressée par des impératifs croissants de rentabilité économique et par le culte de la performance, n’a plus le temps ni le désir de contempler les semences de beauté qui poussent sous ses pieds.

Le monde moderne a découvert le secret de flétrir toutes choses avec élégance.

L’âme de nombreux croyants est plus étroite qu’un cagibi. Qu’ils sortent donc, ces enfermés, et qu’ils délaissent la petite bobine de la bonne conscience qu’ils se repassent chaque fin de semaine pour se donner du courage et se sentir propres et justifiés. Oui, qu’ils ouvrent grandes leurs ailes et qu’ils s’élèvent bien haut, au-dessus de leurs principes étriqués, de leurs valeurs mensongères, et qu’ils sentent comme il fait bon vivre quand on s’est tout à fait perdu de vue et qu’on n’a d’autre désir que d’embrasser la nudité du monde – sa fragilité scandaleuse – de façon à rejoindre au bout de son inspiration le Dieu vivant qui renouvelle sa foi.

L’important n’est pas de croire en Dieu mais que Dieu croie en nous.

Celui qui ne croit pas aux miracles n’est pas digne de confiance.

Un texte littéraire n’est parfaitement civilisé que lorsqu’il s’ensauvage dans les marges du possible.

Le moindre effort intellectuel est devenu si odieux que peu de lecteurs se risqueront à lire cette phrase jusqu’au bout.

Le paradoxe est la meule sur laquelle s’aiguise la pensée.

La vérité court sous la phrase comme un serpent prêt à frapper.

Le style aphoristique de cet auteur n’est-il pas, en fin de compte, une façon de jouer avec la vérité, tournant furieusement autour d’elle, captant des reflets fulgurants, faisant jaillir des profils d’ombre étonnants, sans réussir à se laisser tranquillement consumer par elle ?

Le mystère est ce qui circonscrit et éclaircit notre rapport à l’être. Nul besoin par conséquent de tenter de le pénétrer – opération parfaitement vaine et stérile – puisqu’il est l’ineffable lumière depuis laquelle nous considérons toutes choses.

Le mystère est puissance de révélation de l’être à lui-même. Il est le milieu où surgit la vérité.

Ni devant l’homme ni devant Dieu l’orgueil ne nous sauve.

Une simple virgule peut parfois changer le cours du monde.

Limitons notre ambition à insuffler au monde moderne une substantielle semence de spiritualité.

Rien n’est insignifiant pour celui qui habite au pays de la nuance.

Puisque les solutions politiques et les solutions sociales se révèlent également dérisoires, il nous reste à inventer une autre façon de vivre.

Le croyant ne redoute rien puisque, quoi qu’il entreprenne, il agit en communion avec le Verbe de vie qui sans fin l’appelle à se dépasser.

Certains auteurs usent de leur plume à seule fin d'écrire en lettres capitales le ridicule qui ceint leur front fier et vindicatif.

Les bonnes manières et le bon goût ne suffisent pas à purifier l’âme, il y faut encore la sainte humilité qui touche de la tête la voûte des cieux.

La richesse que nous cherchons est la trappe qui ouvre sur l’invisible.

L’aristocrate est pratiquement trop isolé pour espérer comprendre quoi que ce soit à la complexité du monde moderne.

La grande ambition de l’artiste actuel, c’est de devenir le point de mire du visible.

La médiocrité des hommes ne doit pas conduire à désespérer d’eux, car elle n’est bien souvent qu’une apparence – un système d’habitudes et de compromissions – recouvrant la pure lumière qui veut éclore.

La nudité est le masque que nous portons chaque fois que notre âme se rétracte au contact du visible. Plus essentielle que la nudité est la beauté à la source vive de laquelle nous nous baignons sans pudeur.

Le grand écrivain connait l’art de s'exprimer en peu de mots, il se concentre et se ramasse, il forme à présent un point à peine perceptible, une ombre incertaine, une tache immaculée. Alors seulement, en deux temps trois mouvements, la plume fixe la substance des choses.

Comme le crabe l’écrivain se déplace latéralement, il regarde le monde de biais et sait débusquer la beauté partout où elle trouve.

Il y a tant à écrire que je ne voudrais pas quitter la scène sur laquelle je me tiens sans prendre part à ce tumulte que font ensemble ces grands comédiens que sont les écrivains, et sans y avoir donné le meilleur de moi-même.

Le suffrage universel est l’étau à l’intérieur duquel se trouve pris un groupe de candidats et dont un seul en réchappera. Procédure anti-démocratique.

La seule chose qui puisse combler notre cœur se situe plus haut que la raison.

On a toujours tendance à relativiser les choses en se disant que c’est pire ailleurs, mais, bon sang, c’est justement parce que c’est pire ailleurs que je suis inconsolable. La souffrance des autres est encore plus mienne que celle que j’endure pour la raison précise qu’elle est intolérable. J’ai honte de ne pas souffrir autant et pour cacher cette honte, je prends sur moi cette souffrance qui devient mienne. Alors tout s’éclaire et j’exulte de joie !

Cet auteur impeccable à qui manque le substantiel aliment mystique de la souffrance.

Tout ce qui est nouveau retarde.

Ecrire est ensemble absorption – de la substance vitale, d’une sensibilité singulière, d’un ensemble profus d’expériences et de connaissances diverses – et expression – de tout cela en une ligne pure et continue.

La vérité d’un système philosophique ne s’étend pas au-delà de ce système.

L’intelligence au fond de son cachot fait peine à voir. Quoi qu’elle entreprenne, elle ne peut rien sans la grâce qui la vivifie et lui insuffle la force héroïque de refaire le monde.

La perception de la réalité est faussée par les écrans qui s’interposent entre elle et nous.

L’exigence du christianisme est si élevée qu’il ne peut que combler nos aspirations les plus profondes.

Il ne vaut pas la peine de dialoguer avec soi-même si l’on n’est pas prêt à voler de défaite en défaite. Dans la défaite se trouve le germe fécondant de toute victoire future.

Dans la distance irréductible qui sépare l’homme de son possible se déploie le mystère de l’être.

Ma vérité est la somme de ce qu'il me reste à accomplir.

Le culte que voue cet auteur à l’intelligence révèle plus qu’elle ne la dissimule l’ombre immense de la bêtise qui rit dans son dos.

Dans l’intimité de la lecture, le grand écrivain achève son œuvre.

Il n’est jamais trop tard pour accueillir la beauté.

Le dédain de cet écrivain pour tout ce qui ne rentre pas dans ses vues inflige à l’âme une blessure inguérissable.

On ne lit pas pour s’instruire mais pour s’élargir l’âme.

Médias : vaste entreprise de propagande qui fabrique des opinions en toute tranquillité.

La vérité ignore tout hiérarchie.

On ne peut qu’être reconnaissant à un auteur de nous aider à penser.

Je travaille à parfaire en moi le sens du possible.

L’épreuve de la maladie est le point crucial où se noue et s’éprouve en vérité la relation d’amour très intime qui unit l’homme à Dieu.

Dieu veille au chevet du malade plus amoureusement que quiconque. 

Dans la lumière de la vérité toutes les âmes se simplifient et rayonnent d’allégresse.

La ruine de l’intelligence commence quand elle refuse de reconnaître ce qu’elle doit à son ignorance.

Chaque mot doit éclater comme une preuve d’amour salutaire.

Ecrire ne consiste pas à tendre des pièges mais à s’élever à la hauteur du souffle de vie qui soulève toutes choses et découvre dans un saisissement l’insondable beauté sise au cœur du visible.

La curiosité déboule dans le monde comme une bête affamée que rien ne rassasie hormis sa propre insatiabilité.

La littérature n’est jamais inoffensive

Tout oubli est une forme de satisfaction.

Non pas penser contre mais penser avec, jusqu’au point précis où les chemins divergent.

D’un trait de plume, j’abolis tous les automatismes intellectuels de l’époque et me perds délicieusement dans l’inachevé.

Dans l’amour le mystère se dénude et brûle.

La médiocrité d’une époque nous oblige à l’impossible.

Aujourd'hui comme jamais, on fuit l’ennui à toutes jambes. L’ennui inquiète, dérange, fait peur. Pourtant, j'atteste que l'ennui peut féconder l’âme, pourvu qu’on le laisse s’exprimer en paix.

Le véritable ennui naît dans la solitude et pour la solitude.

Si admirable soit son œuvre, cet auteur semble se barricader dans la nuit colossale de sa bibliothèque pour se protéger des assauts de la lumière.

Le sort de l’écrivain se joue entre quelques mots

L’instant est une fiction d’autant plus commode qu’elle louche vers l’éternité.

La délicate question de la fin de vie n’appelle d’autre réponse qu’un silence circonspect.

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