La Douceur

Publié le par Julien Métais

La plénitude de la douceur s’appelle amour.

La douceur est une force irrésistible qui dépouille l’homme de ses anciens attributs et le réconcilie avec la nudité du monde.

L’extase de la douceur délivre l’homme du fardeau d’être soi en le familiarisant avec la vie d’en haut, cette vie enivrante qui lui tourne la tête et le voue à la contemplation des choses muettes.

Dans la douceur le cœur se fait lumière et la lumière se fait monde.

La fermeté de la douceur la rend inattaquable.

La douceur est un baume bienfaisant qui efface les blessures du temps.

La douceur nous tire par la manche et nous entraîne dans son royaume de lumière.

La douceur enseigne à vivre chastement dans les époques de noires voluptés.

Il est des êtres d'une si grande douceur que leur simple contact suffit à éliminer les nœuds d’incompréhension et de colère qui brisent l’élan de l’âme vers la lumière.

La douceur murmure à l’oreille des hommes des paroles nouvelles.

La douceur désarme le langage, elle brise son moule grossier, l’oblige à épouser son intime mouvement, à se perdre dans une ronde charmante où chaque être retrouve sa pureté d’expression première. Le chant devient alors l’unique parole concevable.

La douceur s’use à corriger l’inflexibilité des hommes. Tout juste peut-elle leur imprimer cet air de bonté qui la nuit venue rentre en soi-même et se fait grimace.

La violence de la douceur est dissimulée sous le palais dont elle nous fait captive.

La justice de la douceur est de ne pas laisser le cœur de l’homme se corrompre sans lui communiquer le goût pénétrant du possible – substance efficiente de toute jouissance future.

La douceur de Dieu écrase l’homme de son poids d’amour infini.

La douceur franchit sans effort les barrières arbitraires que le langage érige entre les hommes et du néant fait sa demeure impénétrable.

Se traiter avec douceur est faire preuve d’indulgence envers sa capacité à prendre soin de la grandeur de ce qui a été donné et qui attend de recevoir son expression la plus haute.

La joie est un effet naturel de la diffusion de la douceur dans la chambre du cœur. Quand la douceur se répand le monde se dilate et éclate en une gerbe de feu où la lumière se fait écho du monde qui vient.

Dans l’étreinte des corps, la douceur se fait caresse, la caresse lumière, la lumière chant de gloire de l’invisible offert à la ferveur de nos gestes.

La douceur vient récompenser la grandeur de l’effort fourni par l’esprit pour se mettre une nouvelle fois au monde. Elle l’emplit de joie devant ce qui a été tenté.

La douceur ouvre toutes les portes. La mort elle-même ne peut rien contre l’intensité bouleversante de sa présence.

La douceur recueille la souffrance du monde et l’aide à accoucher de son étoile.

La douceur est une force de résistance créatrice de justice.

La douceur est l’expression mystique du dépouillement qui manque à l’achèvement de notre humanité.

Trop de douceur et pas assez de fermeté expose à la molle complaisance, trop de fermeté et pas assez de douceur expose à la dure tyrannie.

L’indécence de la douceur est de nous faire croire qu’elle suffit à notre bonheur quand elle n’en est que l’approche imprécise.

La douceur des femmes console de l’ingratitude des hommes.

Bien des nations ont disparu sous l’expression confondante d’une trop grande douceur.

Sous le fardeau de la douceur le monde succombe à la férocité de ses instincts.

L’homme recherche la douceur car il trouve en elle la justification de son impuissance à se hisser durablement au-dessus de ses instincts.

Un peu de douceur et voici que l’inquiétude se transforme en une somptueuse descente de lit !

Le charme infini de la douceur transforme chaque épreuve de la vie en une source d’affections renouvelées.

La pensée est pleine de délicatesse mais peu savent en savourer les nuances infinies, raison pourquoi on la brutalise et on la charge de tous les maux, concevant pour elle une haine profonde qui frappe de discrédit toutes ses tentatives pour s’élever d’un bond au-dessus de la ligne du visible.

Nulle mièvrerie dans la douceur qui arrondit les angles du monde et fait de chaque obstacle un manège merveilleux.

La douceur évoque une robe d’été tournant dans l’air du soir avec une grâce exquise. De cette robe émane des parfums engageants. Pour un peu on voudrait passer sa vie sous son ombrage.

La douceur exprime l’attachement surnaturel de l’homme à la vie d’en haut qui coule en lui comme une source de bonté intarissable.

Le miracle de la douceur est d’attirer à elle comme un puissant aimant la multitude des cœurs que le sang étincelant de la création fait battre à l’unisson.

Toute douceur se décompose en un chaste réseau de silhouettes dépravées.

J’appelle douceur un battement de tambour dans l’oreille d’un sourd.

La douceur est un matelas de douleur pour les jours de chômage.

La douceur carillonne dans l’invisible avec des airs de victoire insupportables.

La douceur prend l’homme par la main et le tire en avant et ce faisant découvre en lui un espace de clarté où tournent amoureusement dans un défilé ininterrompu les formes échappées des profondeurs de la mémoire et qui pleines de ferveur se réjouissent de pouvoir étourdir un instant leur incapacité à remplir tout l’espace du visible.

Aussi exquise soit-elle la douceur manque de personnalité. Elle forme autour des ruines de l’être un épais brouillard qui emporte toute chose dans la profondeur solaire de son vide.

La douceur de la femme est un cri de guerre étouffé dans la profondeur d’une rose.

Il n’y a pas de douceur possible sans une relation intérieure approfondie avec l’invisible conçu comme le non-lieu que désire confusément le visible.

Insensiblement la douceur empoigne le monde et dans ce geste décisif et sûr elle désarme la violence qui prétendait pouvoir légiférer en son nom.

Le secret de la douceur est d’œuvrer depuis l’intérieur du visible à l’expansion bienheureuse du cœur.

Là où la douceur ne peut plus s’exprimer librement le monde se rétrécit terriblement et devient dur comme pierre.

La joie de la douceur quand elle sort de l’être fait sortir le langage de ses gonds.

La douceur n’a que faire de régner. Elle veut seulement insuffler à nos pauvres existences la force de se redresser et de cheminer sans prévention dans le foisonnement du visible.

S’il y a bien quelque chose de suspect dans la douceur, c’est cette vive éloquence au moyen de laquelle elle se gagne les cœurs et remporte tous les suffrages. Parce qu’elle s’adresse directement à la sensibilité, elle s’y entend à persuader les hommes de sa force bienfaisance, cependant qu’elle les prive de tout jugement et les laisse stupides et hébétés, incapables d’entreprendre quelque action. Elle charme les hommes, étouffe en eux tout instinct de puissance, tout mouvement d’orgueil, tout esprit d’initiative, elle agit uniquement dans le sens de la perpétuation de sa force au-delà de tout critère logique. Elle veut jouir de son propre plaisir à se sentir triompher partout de ce qui représente dans l’immense édifice de la civilisation les germes de notre humanité.

Il y a une violence sourde de la douceur qui châtre l’homme et le rend aussi inoffensif que le plus infime brin d’herbe soulevé par le vent.

La douceur tresse au cou de l’humaine détresse des colliers d’affection et allume au fond du visible l’étincelle libératrice.

J’appelle douceur la caresse de l’ange sur la joue humiliée du repentir.

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