La Musique

Publié le par Julien Métais

Pour information : sensibilisé dès mon plus jeune âge à la musique classique par un père violoniste, approfondissant plus tard mon écoute musicale, avec un goût prononcé pour le piano, instrument des profondeurs et des cimes, j’ai toujours écouté avec ferveur les grands compositeurs. Cet amour de la musique, reine des émotions, n’obéit pas à un simple souci de distraction mais au besoin fondamental de me nourrir de l’eau vive du possible qui coule au fond de la mémoire et alimente toute la création.

Il faut écouter beaucoup de musique pour sentir que l’abîme côtoie la cime et qu’un accord dissonant suffirait à précipiter au néant toute la création.

Le pouvoir mystérieux de la musique est d’empoigner l’âme et de la jeter dans l’invisible. Mais cette action n’est nullement violente, elle se fait même avec une douceur incomparable qui la rend aimable et explique que quand le charme de la musique cesse d’agir l’âme se sente seule et mélancolique, triste de se voir réduite à sa condition première, encerclée de mots et de signes qui conspirent à la faire chuter.

Je ne sais pas de pièce pour piano plus poignante que les Impromptus de SCHUBERT : l’âme, au bord du précipice, ne cesse de mourir et de renaître à la grandeur de son énigme.

Il faut boire les mamelles de la musique avec avidité car le lait nourricier qui en jaillit agit sur le monde comme un cataplasme qui soigne l’homme de la blessure du signe.

Le charme de la musique est de perpétuer l’énigme de la naissance.

Il passe dans la musique comme le frisson de l’inachevé, qui engendre en l’âme un sentiment vertigineux où se mêlent en une danse étourdissante à la pesanteur des larmes la joie de n’être pas.

Si la musique nous arrache des larmes, c’est parce que nous sentons bien qu’à travers son bouillonnement intérieur, son puissant flux et reflux, son tumulte et ses brusques apaisements, ses silences enchantés, c’est la grandeur de notre énigme qu’elle nous donne à explorer et à aimer.

La musique est jouissance métaphysique des confins en tant que cette jouissance s’enracine dans la nudité de l’être délivré de la blessure du signe.

La musique jette l’homme sur le parvis du possible. Il lui reste alors à se relever et à entrer le cœur plein de reconnaissance dans le royaume de l’invisible. Là réside en effet la grandeur de l’amour auquel il est prédestiné.

La musique est l’aliment mystique impérissable qui dilate l’âme au point d’en faire le foyer régénérateur de toutes les énergies cosmiques.

Les opéras de MOZART ont été composés pour distraire les anges du profond ennui qui les gagne chaque fois qu’ils pénètrent de leur regard infaillible le fond de l’âme humaine.

La musique de BEETHOVEN, si imposante soit-elle, tient dans l’épaisseur d’un cheveu. Il appartient à chacun de pénétrer l’intimité de ce cheveu pour y surprendre la modernité d’une musique en état d‘apothéose.

La neurasthénie de l’âme, CHOPIN a su en faire une valse pleine de félicité.

La musique console l’homme de ses peines. Elle lui donne à sentir sous une forme suprêmement intériorisée la richesse du sentiment compris comme puissance d’habitation du monde. Celui qui écoute de la musique n’est pas dans la musique et hors du monde, il est le monde fait musique, et il jouit avec le monde du jeu des métamorphoses dont il forme l’objet délicieux.

Il faut écouter beaucoup de musique pour comprendre tout ce que le monde doit à la musique, et se réjouir avec lui de la grandeur d’un acte qui des profondeurs de la terre soulève l’homme jusqu’à la cime de son chant.

Une musique qui ne guérit pas de la vanité d’être vivant échoue à faire monde.

Noblesse de la musique qui accomplit ce miracle de rendre à l’homme le premier matin du monde.

Si la musique est l’illusion suprême elle possède ce privilège insigne de rendre toutes les autres illusions terriblement désespérantes.

La musique fait pleurer pace qu’elle porte en elle le secret de notre disgrâce dont nous ne cessons d’hériter comme d’un bien dont la vue nous serait ôtée.

La musique fait pleurer parce qu’elle laisse entrevoir le point de clarté suprême à partir duquel il n’est plus de visibilité possible.

La musique fait pleurer parce qu’elle est plus grande que le monde qu’elle soumet à nos sens.

La musique fait pleurer parce qu’elle emplit l’homme du sentiment vertigineux que son foyer réside dans l’absence de monde.

Grâce à la musique l’homme expérimente avec une intensité déchirante la dissolution du monde dans la grandeur des confins.

Musique est mère aimante du monde qui vient.

Sans la musique les larmes n’auraient pas la même transparence.

Le pouvoir transfigurateur de la musique enseigne l’art inestimable de jouir de ce qui n’a pas de figure.

La musique est le lait de l’espérance humaine. Même quand elle est sombre et tragique, même quand elle semble désespérée et sur le point de perdre le monde, la musique n’en continue pas moins de porter et d’exalter le cœur glorieux du possible qui transperce de ses rayons ardents le monde visible et invisible.

Le pouvoir de commotion de la musique qui bouleverse les assises de l’être demeure proprement insondable.

La grandeur de la musique est de ne pas cesser de faire monde dans l’invisible.

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Juju,<br /> <br /> Je te rejoins sur le fait que quand nous nous imprégnons de la musique nous pouvons nous laisser porter dans un monde d'émotions. Un monde dans lequel il peut être trop dur de rentrer comme dans lequel on se sente transporté. <br /> Bravo pour ton écriture. Je t'embrasse.<br /> Aurélie